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Archéologie des puits : échanges avec Gabriel Munteanu

Quels sont les enjeux techniques liés aux fouilles archéologiques des puits ? Gabriel Munteanu, archéologue en charge des structures profondes au sein d’Hadès, en évoque les principaux aspects.

Votre métier en quelques mots ?

En 2021, j’ai intégré les équipes d’Hadès où j’assume les fonctions d’archéologue des « structures profondes » mais aussi de spécialiste en archéologie minière et paléo-métallurgie. Au titre de responsable de la fouille des structures profondes j’interviens dans le cadre d’opérations préventives, ou programmées, dès lors qu’une structure en creux à fouiller ou à explorer dépasse la profondeur de 1,20 m et ne peut pas faire l’objet d’une fouille mécanisée.

Comment appréhendez-vous les questions de sécurité, inhérentes aux fouilles des structures profondes ? 

La loi impose de mettre en place des mesures de sécurité particulières. Elles concernent d’une part l’environnement immédiat avec le contrôle de l’intégrité des parois pour se prémunir de la chute de matériaux, ce qui peut nécessiter la pose de blindages en bois ou de grillage. Une tâche que ma formation et mon expérience dans l’archéologie minière me permet d’effectuer (et des plus éprouvantes physiquement dans cette activité). D’autre part, en coordination avec le cordiste-secouriste en surface, il faut assurer les conditions de travail de l’archéologue en poste au fond : ventilation, systèmes de remontée, éclairage, pompage, etc.

Comme support pour tous ces équipements, une plate-forme technique a été spécialement conçue et développée par Hadès pour répondre aux exigences de toutes les normes de sécurité en vigueur. J’assure sa mise en œuvre sur les différents sites pour l’adapter à la planimétrie du terrain et aux configurations et diamètres des ouvertures.

Quels sont les spécificités de la fouille de structures profondes ? C’est un métier très physique, avec des postures de travail et un manque de recul liés à l’espace confiné. En plus du casque, il exige le port d’EPI spécifiques, notamment dans les puits où la présence d’eau oblige de porter une combinaison … assez encombrante. De fait, avec cette pénibilité, la fouille s’effectue par rotation de personnel, mais les techniques sont les mêmes qu’en surface : niveau par niveau, orthophotographies, prélèvements, relevés, etc.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?

Déjà tout jeune j’étais passionné par la spéléologie. Puis j’ai effectué mon cursus universitaire, en partie en Roumanie où j’ai acquis le diplôme d’ingénieur géologue en 2003, puis à l’université de Toulouse II-Le Mirail avec l’obtention d’un diplôme de Master en Sciences de l’Antiquité et mon inscription en thèse consacrée aux mines antiques de Dacie. A côté de ces recherches j’ai collaboré de 2003 à 2012 à un projet de valorisation d’un district minier de grande ampleur – Roșia Montană en Roumanie – lié à l’exploitation de l’or et de l’argent depuis la plus haute Antiquité. Dans ce cadre, j’ai participé à l’étude et à la sauvegarde des ouvrages miniers, galeries et puits, mais aussi collaboré à la conservation patrimoniale des bâtiments historiques ; le site est inscrit depuis 2021 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette période de ma vie professionnelle a été très enrichissante à tous les points de vue, relations humaines, apprentissage de l’archéologie minière, travail en équipe, etc.

Quels sont vos projets et comment s’inscrivent-ils dans l’évolution de votre discipline ?

Ma passion pour l’archéologie minière et mes compétences en géologie continuent de s’exprimer dans le cadre de projets de recherche qui concernent l’extraction et l’exploitation des métaux. C’est, par exemple, la traçabilité d’éléments signatures, depuis le processus d’extraction du minerai jusqu’aux objets manufacturés, qui permettent de mieux appréhender le commerce des métaux.

Dans le contexte préventif, l’archéologie a pu bénéficier ces dernières décennies du développement d’outils et de méthodes qui facilitent notre travail notamment dans la collecte des données (photogrammétrie, Lidar, SIG…). Ma crainte est que le temps de réflexion, en post fouille, ne soit de moins en moins proportionné à cette accumulation de données à traiter.

Mon souhait est de voir s’accroitre les moments d’échanges et de restitution entre les chercheurs des diverses institutions (Cnrs, universités, opérateurs, …).

Quelques références de publications de Gabriel Munteanu :

G. Munteanu, « Gold-Silver Antique Mining « Districts » from Metaliferi Mountains, Romania. Geographic, Geologic, and Archaeological Crosscutting Perspectives. The case of Bucium-Butura-Vulcoi-Corabia mining Complex », Paisagens mineiras antigas na Europa Ocidental : investigação e valorização cultural : atas, Boticas, Câmara Municipal de Boticas, UAUM – Livros de atas, 2014, p. 19.

B. Cauuet, G. Munteanu, C. Tămaş, « Le sommet et le versant oriental du Theurot de la Roche. Fouille du puits de mine », Centre archéologique européen du Mont Beuvray – Activités 2015, Editions Bibracte, p. 221-246.

G. Munteanu, E. Kammenthaler, J. Mantenant, C. Rico, J.-M. Fabre, A. Beyrie, « Le complexe minier gaulois des Barrencs (Aude, France) dans son contexte géologique et minéralogique », Archéosciences, 40, 2016, p. 163-180. https://journals.openedition.org/archeosciences/4839

G. Munteanu, C. Tămaş, B. Cauuet, G. Mut, « Evidències de l’explotació del ferro en època preromana i romana al districte miner de Baillestavy (Pirineus orientals, França) », Treballs d’Arqueologia, 21, 2017, p. 263-285.

J. Mantenant, E. Kammenthaler, G. Munteanu, et al., « La mine des Barrencs (Aude) : techniques minières et dynamique d’exploitation dans une vaste mine du second âge du Fer », dans LAROCHE M. et al. (dir.), Paysages pour l’Homme. Hommage à Paul Ambert (oct. 2019, Cabrières), 2019, p. 275-278.