Paul Fernandes est pétroarchéologue à Paléotime. Spécialiste des matières premières siliceuses, il est à l’origine de la mise en place d’un protocole permettant une meilleure reconnaissance de la provenance du mobilier lithique et de son évolution.
Votre métier en quelques mots ?
Le pétroarchéologue a pour objectif la mise en place de pratiques harmonisées et rationnelles dans le domaine de la constitution des lithothèques et de la caractérisation des géomatériaux.
Quel a été votre parcours ?
J’ai obtenu mon diplôme de l’EHESS, Centre d’Anthropologie (Toulouse) en 2006. Je suis salarié (en CDI) de l’entreprise Paléotime depuis juin 2010. J’ai obtenu le grade de Docteur de l’Université de Bordeaux I en 2012. Ma thèse portait sur le sujet suivant : Itinéraires et transformations du silex : une pétroarchéologie refondée. Application au Paléolithique ancien et moyen.
Quelles sont les avancées apportées par vos travaux de recherche à la discipline archéologique ?
Je mène, depuis vingt ans, un travail méthodologique pour aboutir à la mise en place d’un protocole adapté à une meilleure reconnaissance de la provenance du mobilier lithique et à son évolution post-dépositionnelle. La prise en compte des transformations prédépositionnelles et post-dépositionnelles participe ainsi à la reconnaissance des géoressources exploitées et à l’évaluation de l’intégrité des sites. Cette démarche doit permettre d’accroitre nos connaissances sur les relations entre les milieux et le silex. Les travaux traitant de l’évolution des silex aboutissent au constat suivant : la variété des stades de transformation n’est pas aléatoire. Forts de cet acquis, nos observations et analyses permettent de vérifier que les évolutions minéralogiques et morphologiques apparaissent comme des traceurs du (ou des) environnement(s) dans lesquels a résidé le silex.
Les différents professionnels de l’archéologie préventive avec qui vous travaillez sur vos projets ?
Je travaille régulièrement avec desgéoarchéologues, des archéomètres, des lithiciens et des tracéologues. J’ai participé à la constitution d’une équipe complémentaire (faite de contributeurs aussi bien en interne qu’à l’externe) susceptible d’assurer une efficacité maximale et capable de se renouveler. Une équipe mêlant chercheurs confirmés, étudiants et passionnés familiarisés à la pratique de protocoles harmonisés, dont l’utilisation permet, à la fois, de constituer des inventaires idoines, de cartographier les lieux de collecte, de caractériser les matériaux, de déterminer leur provenance et participer aux études taphonomiques et tracéologiques.
Votre découverte ou site le plus marquant de votre carrière ? Pourquoi ?
Ma découverte la plus importante est le concept de chaîne évolutive, une vision dynamique du parcours du silex dans son environnement. L’application de cette découverte sur l’ensemble de nos chantiers et prestations a permis d’élaborer un protocole (dorénavant utilisé par la majorité des pétroarchéologues) fondé sur l’analyse comparative des indices minéralogiques, pétrographiques et altérologiques rencontrés dans les matériaux bruts (échantillons géologiques) et dans les objets archéologiques. Ce type de démarche permet de décrire les échantillons et les objets d’une manière telle que les données obtenues soient comparables, reproductibles et partageables. Un silex n’est plus seulement une entité pétrographique, il conserve des traces et des stigmates, qui révèlent une réalité paléogéographique dynamique.
Votre vision de l’évolution du métier d’archéologue ?
Je souhaite que le métier évolue vers une politique de conservation patrimoniale et une science ouverte. Je promeus « le travailler ensemble » avec nos spécificités disciplinaires afin de rendre compatible nos manières d’appréhender les questions, de s’entendre sur les vocabulaires, d’acquérir des compétences nouvelles afin de publier des résultats harmonisés et valorisés dans un esprit de consensus. J’imagine une archéologie qui progresse vers une meilleure mobilisation de l’outil numérique. C’est-à-dire, une démarche qui intègre un ensemble de pratiques (techniques, comportementales, langagières, etc.) liées à l’usage d’équipements informatiques au service de la production, de l’analyse, du stockage, du partage, de la publication, de l’archivage pérenne et de la réutilisation de données dans le respect des principes FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable). L’intérêt d’un tel développement est de pouvoir répondre au besoin d’interdisciplinarité des savoirs et de mutualisation des savoir-faire indispensables au bon fonctionnement de la recherche.
Pour aller plus loin :
Fernandes P., Raynal J.-P. (2006). Pétroarchéologie du silex : un retour aux sources. Comptes Rendus Palevol, 5, p. 829-837.
Fernandes P., Raynal J.-P., Hauzeur A., Tallet P., « Travels and transformations of flint: towards a new lithotheca model and dynamic map », in Lithic Raw Material Resources and Procurement in Pre- and Protohistoric Times, BAR International Series 2656, Oxford : Archaeopress, pp. 39‑48.
Delvigne V., Lafarge A., Fernandes P., Pesesse D., Angevin R., Bindon P., Langlais M., Piboule M., Queffelec A., Tufféry C., Raynal J.-P., « Quels territoires en Préhistoire ? Une analyse par réseaux de lieux pour penser l’espace au Paléolithique supérieur », in En mouvement, Mobilités des hommes, des objets et des idées pendant le Paléolithique supérieur européen. Actes de la séance commune de la Société préhistorique française et la Hugo Obermaier-Gesellschaft à Strasbourg (16-17 mai 2019), Séances de la Société préhistorique française, 17, Paris : Société Préhistorique Française, pp. 27‑69.